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Une morale après Auschwitz… ? par Nathalie Monnin

Ateliers populaires de philosophie

Huitième cycle, du lundi 6 juin au lundi 27 juin 2011

Une morale après Auschwitz… ?
par Nathalie Monnin
professeur de philosophie au lycée Joliot Curie à Rennes

Infos pratiques :
Lieu : Auditorium Paul Ricœur au lycée Zola, Avenue Janvier, Rennes
Horaires : tous les lundi, 18h-20h (hors vacances scolaires)
Entrée libre et gratuite, renseignements et contact : 06 11 14 23 70

Programme des ateliers populaires de philosophie 2010-2011

Présentation de l’atelier :

Peut-on concevoir la morale après Auschwitz de la même façon qu’on la concevait avant ?
1) Cette première question en induit au moins deux autres : en quoi Auschwitz est-il si particulier dans l’histoire de l’humanité qu’il conduirait à devoir repenser la morale ?
2) Qu’était donc la morale avant, c’est-à-dire : comment, en quels termes pensait-on le rôle, la définition, la fonction d’une morale ?
Nous présupposons ici qu’il s’est passé quelque chose à Auschwitz qui a détruit l’idée traditionnelle qu’on se faisait de la morale et qui nous oblige à la penser désormais sur d’autres bases. C’est ce point de rupture et la possibilité – ou pas – de penser une morale après Auschwitz que nous voudrions analyser.

Bibliographie :

Le Commandant d’Auschwitz parle, témoignage de Rudolph Hoess, éd. La Découverte, 2005. Témoignage sincère d’un nazi non repenti, mais qui comprend notre besoin de comprendre et se livre avec confiance pour tenter de mettre au jour les raisons de sa profonde obéissance. Témoignage sincère, et d’autant plus cynique à nos yeux, avec des passages parfois insupportables quand il s’agit de décrire la vie du camp et les procédés d’extermination.

Gitta Sereny et Colette Audry, Au fond des ténèbres : Un bourreau parle. Franz Stangl, commandant de Treblinka, Éd. Denoël, 2007.  Un travail remarquable de la journaliste italienne Gitta Sereny, qui interroge patiemment Stangl sur ses motivations. Contrairement à Hoess, Stangl culpabilisait profondément et se rendait compte de la monstruosité des ordres reçus. Il n’a pourtant pas désobéi. À partir du témoignage, la journaliste fait un éblouissant travail d’investigation des autres témoins de l’époque, dont elle a retrouvé la trace et qu’elle a interrogés pour faire se recouper les souvenirs – et parfois, les éclairer les uns par les autres, mettant au jour les difficultés propres au souvenir pour les survivants. Un chapitre historiquement très fouillé porte sur l’implication de l’église chrétienne dans le régime, et rappelle les quelques prêtres qui ont résisté, au péril de leur vie. On comprend la difficulté de juger les agents du crime, par le soin que l’auteur met à retracer les multiples aliénations, réelles ou supposées telles, qui submergeaient les individus, écrasés par la machine politique et militaire.

Laurence Rees, Ils ont vécu sous le nazisme, Éd. Perrin, coll. Tempus, 2009.
L’historien anglais décrit par le menu (par les témoignages d’anonymes qu’il a patiemment recueillis) le système politique du nazisme pour montrer comment se faisait la chaine de commandement : Hitler ne commandait pas à proprement parler. Il en allait donc de la responsabilité de chacun d’obéir ou de traduire la direction indiquée dans un sens ou dans un autre. Le sens le plus souvent choisi (voire toujours) s’est trouvé être une exacerbation et un durcissement incroyable. Dans ce livre aussi, on voit l’aliénation inconsciente à laquelle les individus sont soumis, sans pouvoir s’en rendre compte – ce qui ne les déculpabilise pas, mais permet de comprendre la spécificité des régimes totalitaires dans la pression formidable exercée sur les individus.

Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d’humanité, La Découverte, 2005.
L’auteur analyse les raisons pour lesquelles un individu est conduit à obéir à un ordre monstrueux, pendant qu’un autre est capable d’y résister. Le livre reprend les témoignages de Stangl, à travers le livre de Gitta Sereny, et le travail fait sur le 101e bataillon de Hambourg, pour les mettre en relation avec l’expérience de Milgram.

Stanley Milgram, Soumission à l’autorité, Calmann-Lévy, 1974.
Le psychologue décrit les diverses modalités de l’expérience faite entre 1950 et 1963 pour tester la résistance à des ordres cruels.

Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIème Reich, Albin Michel, Pocket, 1996.
Le philologue allemand, mais juif, raconte sa vie pendant les douze années de nazisme, et analyse chaque jour, à 4h du matin, la déformation de la pensée par le « nouveau langage » instauré insidieusement par les idéologues nazis. Il illustre magistralement et dramatiquement le rapport entre la pensée et le langage, en montrant comment les mots informent notre pensée et, par suite, notre comportement.

Sartre, L’Être et le néant, Tel Gallimard, 2ème partie, sur l’être de la valeur.
Sartre met au jour la structure de l’être de la valeur, ce qui permet de comprendre (en recoupant ce texte avec deux autres : l’Idiot de la famille (tome I, p. 139 et sq.) et un inédit paru dans la revue Les Temps modernes, en juillet, Morale et Histoire, octobre 2005) le fondement subjectif de la morale : pourquoi certains obéissent pendant que d’autres trouvent la force morale de désobéir ? Ces textes permettent de ré-interroger la manière dont le Bien nous est donné, ce qui conduit peut-être à fonder à nouveaux frais la morale.