Archives mensuelles : avril 2012

L’animal, par Didier Heulot

Ateliers populaires de philosophie

Septième cycle, les lundis 7, 14 et 21 mai et le lundi 4 juin 2012

L’animal
par Didier Heulot
Professeur de philosophie à Rennes

Cet atelier a donné lieu au livre « Qui sont les bêtes ? » aux éditions Apogée.
voir tous les ateliers publiés

Infos pratiques :
Lieu : Auditorium Paul Ricœur au lycée Zola, Avenue Janvier, Rennes
Horaires : tous les lundi, 18h-20h (hors vacances scolaires)
Entrée libre et gratuite, renseignements et contact : 06 11 14 23 70

Programme des ateliers populaires de philosophie 2011-2012

Présentation de l’atelier :

L’animal.

Lorsque je regarde mon chat, il me laisse perplexe. Autant je peux croire, un instant, qu’il me regarde, que je suis dans sa ligne de mire, visé par ses yeux et son esprit, au point que l’envie me vient de lui parler, de lui sourire, comme si son regard était une attente, un souhait exprimer de ne pas le laisser seul. Autant, l’instant suivant, je suis repris par ce même regard et je suis désillusionné, car il n’est plus un regard, mais un objectif d’appareil photo ou une optique mécanique et froide, et il faut que je me rende à l’évidence, il ne me regarde pas, il ne me vise pas, ou si je veux vraiment qu’il me regarde alors j’ai affaire à un regard qui me cherche comme s’il ne me voyait pas, il se tourne dans ma direction mais ne me voit pas, ou en tout cas ne me voit pas comme je vois, son œil est trop fixe, trop froid, il n’est pas humain.

Ne sommes-nous pas toujours dans ce balancement avec l’animal, hésitant sans cesse entre une commune nature avec nous et une étrangeté irréductible ? Descartes, contre Montaigne, a voulu résoudre le problème en prenant les animaux pour des machines : non qu’ils le soient vraiment, mais on peut sans doute s’en contenter. La reprise chrétienne par Malebranche scellera définitivement le sort des animaux : ce sont de pures mécaniques innocentes. Il faudra attendre 1789 et Jérémy Bentham pour qu’une souffrance animale soit possible, envisagée, conçue et ayant pour conséquences des droits animaux. Mais le droit est ambigu, la nature de l’animal n’est toujours pas déterminée, que sont-ils ou « qui sont-ils ? »

C’est la phénoménologie de Heidegger qui nous mettra sur la voie : l’animal est pauvre en monde et, définitivement, différent de moi. Qu’est-ce qui rend impossible une continuité entre lui et moi ? Qu’est-ce qui, pourtant, n’en fait pas un étranger absolu ? N’est-il pas ce type particulier d’altérité, qui n’est ni l’altérité de l’autre homme, ni l’altérité complète ? Peut-on sans excès lui attribuer le rang et la dignité d’un sujet ?

Il faudra aussi revoir notre attitude, à partir de cette ignorance : avons-nous tous les droits envers ceux qui n’en ont pas ? La question des droits animaux est-elle fondamentale ? Ne faut-il pas plutôt revoir notre attitude envers eux et envisager une communauté avec ceux dont, il faudra le reconnaître une bonne fois, on ne peut se passer ?

Bibliographie :

L’animal-machine.

– Descartes, Lettre au Marquis de Newcastle, Lettre à Morus du 5 février 1649 et Discours de la méthode, 5ème partie, dans Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1953.
– Montaigne, Les Essais, livre II chap. XII, Apologie de Raimond Sebond, dans Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris,1962.

L’animal comme sujet, entre la machine et l’homme.

– Husserl, Le monde et nous. Le monde environnant des hommes et des bêtes. Husserliana XV, 1934.
– Martin Heidegger, Les Concepts fondamentaux de la métaphysique, Gallimard, Paris, 1992.
– Elisabeth de Fontenay, Le Silence des bêtes : la philosophie à l’épreuve de l’animalité. Fayard, Paris, 1998.
– Jacques Derrida, L’Animal donc que je suis. Galilée, Paris, 2006.
– Dominique Lestel, L’Animal est l’avenir de l’homme. Fayard, Paris, 2010.
– Etienne Bimbenet, L’Animal que je ne suis plus. Folio-Essais, Gallimard, Paris, 2011.

Des droits animaux ?

– Tom Regan, The Case for Animal Rights, Berkeley, University of California Press, 1983.
– Peter Singer, La Libération animale, Grasset, Paris,1993.
– Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ? Éditions de l’Olivier, Paris, 2010.
– Françoise Armengaud, Réflexions sur la condition faite aux animaux, Kimé, Paris, 2011